La grande traversée : Mexique – Polynésie

On est arrivé en Polynésie depuis début Avril 2013.. Vous l’avez tous remarqué, on n’a pas été très fort sur la mise à jour du site jusque là. Mais on va essayer de rattraper le retard. Commençons par la traversée..

On a déjà posté des messages par téléphone satellite au cours de notre traversée.. voici un petit flash-back en images..

En violet sur cette carte, le trajet enregistré par l’ordinateur de bord, soit 3200 miles parcourus en 27 jours, avec une escale de 4 jours à Clipperton (voir article sur Clipperton).

 

Les 600 miles entre Manzanillo et Clipperton ont été paisibles avec une petite brise portante. Sur la première photo, on voit les fils de pêche dans notre sillage (en regardant vraiment bien – en agrandissant ça aide aussi), puis le bateau en vent arrière avec les voiles en ciseau (le génoi et la grand voile sont chacune d’un côté).

 

Sur la capture d’écran d’ordinateur ci-dessus, la toute dernière technologie pour éviter les collisions en mer est en oeuvre. Le Letty est le bateau rouge qui va vers le sud (le bas de l’écran). A notre ouest (gauche), un pétrolier fonce droit vers nous à la vitesse de 12 nœuds, enfin presque vers nous, car on voit qu’il a déjà dévié sa route pour nous éviter. L’astuce pour faire détourner les pétroliers, c’est l’AIS (système d’identification automatique) qui relaie identité, position, vitesse, et cap. Pratique pour les quarts de nuit.. de jour, c’est un fou qui fait la vigie. On parle de l’oiseau bien sûr.

Après 5 jours de navigations, Clipperton est en vue. Nous apercevons l’unique rocher d’assez loin, puis les cocotiers, et la célèbre stèle où un drapeau breton ne va pas tarder à flotter (voir l’article sur Clipperton).

Le jour de notre départ de Clipperton, nous pêchons autour de l’île pour emporter du poisson frais pour la suite de la traversée. C’est une des eaux les plus poissonneuses du monde, pourtant ce n’a pas été facile d’attraper du poisson. Pour une fois, ce n’est pas par manque de touches, mais car les poissons cassaient nos bas de lignes (trop gros, trop de dents). Le temps de comprendre qu’il fallait monter la ligne en 100kg avec un bas de ligne en acier.. et hop, un beau thazard était remonté à bord (en pose avec Stéphanie).

En partant, on a pris une dernière photo de l’île et du camp de radio-amateurs (http://www.cordell.org/CI/CI_pages/CI_Team.html) maintenant complètement installé (à droite des cocotiers) – Les oiseaux de Clipperton n’avaient vraisemblablement pas vu autant de monde depuis des années.

Au large de Clipperton, on s’est fait accompagner pendant un bout de temps par les dauphins, et par un banc de carangues. Cela va paraître incroyable: le banc de carangues nous a suivi jusqu’aux gambiers, pendant 2600 miles, 22 jours en plein océan.

Puis on a passé l’ICTZ (Zone d’Interconvergence Tropicale) – appelé pot-au-noir dans l’Atlantique. C’est la zone où les alizés de l’hémisphère Nord et de l’Hémisphère sud se rejoignent (enfin quand il y a du vent). C’est en tout cas une zone renommée pour ses grands calmes, mais aussi ses grains et ses orages. On a tout eu, en images ci-dessus. Sur la photo bien grise, on voit nettement les cellules orageuses. Quand une cellule approche, il y a 3 options: prendre un ris et installer les seaux sous les voiles pour récupérer de l’eau de pluie, éviter la cellule si on la voit assez à l’avance, aller directement dessus pour espérer avoir plus de vent (raisonnement assez faux car à l’arrière de la cellule, c’est calme encore plus plat, voire vent contraire). On a passé environ une semaine dans cette zone – au bout de deux jours, on n’emploie plus que l’option 1. Après 3 jours, c’est l’option 1-bis.. on ne met plus les seaux et on garde le ris en permanence. Après 5 jours, on démarre le moteur et on se casse!

Désolé, on n’a pas de photos de l’équateur à montrer. Elles sont toutes chiantes, du style écran de GPS avec 00°00’00’, mer plate, pas de vent, le bateau qui roule un peu, une baleine qui passe au loin mais qu’on voit à peine. Allez, si, on en a un truc bien, mais c’est un film, celui où on partage notre repas de fête avec les carangues (ci-dessous). Repas de fête d’ailleurs fort bien accompagné par une bouteille de Chateau-Neuf-du-Pape conservée en calle depuis 3 ans pour cette occasion – merci Guillaume.

 

Le lendemain ou le sur-lendemain, alors qu’on avançait tranquillement vers les Gambiers, l’alarme de l’AIS (celle qui fait détourner les pétroliers) se déclanche. Deux bateaux de pêche font route directe sur nous, en plein Pacifique, au milieu de nulle part. On n’avait vu personne depuis les Gambiers à 1000 miles de là (et on ne verra aucun autre bateau jusqu’aux Gambier). On avance à 5 nœuds, eux à 10 nœuds, donc c’est évidemment à eux de se détourner. On allume la VHF, canal 16, au cas où – pas très bavard à 6 heures du matin, on attend qu’ils entament la conversation. Silence radio. Ils passent finalement 1 à 2 miles derrière nous. Juste assez près pour prendre une photo de celui qui passera le moins loin avec un zoom de 300mm. Ils sont finalement passés très loin, et on ne les aurait jamais remarqué sans l’AIS. Après seulement deux semaines en mer, on avait déjà complètement modifié notre perception des distances – et la zone de notre espace vital s’était élargie à tout ce qu’on voyait.

Les talents de couturière de Stéphanie et toute sa concentration (OK, il ne faut pas se moquer sinon elle tire la langue) sont mis en œuvre pour réparer la fine toile du Spi.. pas facile avec le mouvement du bateau.. réparation faite, nous voilà à nouveau sous spi.. pour entamer les derniers 1000 miles.

La partie la plus facile de la traversée fut la dernière. Les 1000 derniers miles, une fois l’équateur bien derrière nous, quand on est enfin entré dans le régime des alizés de l’hémisphère sud. La fin du voyage est aussi la partie la plus longue. Alors, on patiente..

Et puis un matin, c’est le dernier lever de soleil avant l’arrivée (ça on le sait en regardant la carte, alors on prend une photo souvenir). Et, une fois le coton matinal dispersé on aperçoit la terre promise!

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